L’avortement clandestin est un fait en Côte d’Ivoire. Selon l’organisation mondiale de la santé (OMS) les complications liées à l’avortement clandestin représentent 15% de la mortalité maternelle estimée à 614 décès pour 100.000 Naissances vivantes. Et pourtant, le protocole de Maputo ratifié par la Côte d’Ivoire pourrait réduire conséquemment ces décès lors de ces avortements non sécurisés pour la plupart.
L’avortement clandestin est un fait en Côte d’Ivoire. Selon l’organisation mondiale de la santé (OMS) les complications liées à l’avortement clandestin représentent 15% de la mortalité maternelle estimée à 614 décès pour 100.000 Naissances vivantes. Et pourtant, le protocole de Maputo ratifié par la Côte d’Ivoire pourrait réduire conséquemment ces décès lors de ces avortements non sécurisés pour la plupart.
L’avortement est interdit en Côte d’Ivoire. Selon les articles 425, 426, 427 et 429 du code pénal, c’est une infraction punie par une peine de prison et une peine d’amende. Cependant il est pratiqué de manière illégale d’où l’avortement clandestin qui se fait de plus en plus sur le territoire.
« Elle a beaucoup saigné après le curetage avant de mourir. Elle avait préféré faire passer cette grossesse pour ne pas humilier ses parents. Cet enfant était celui de son tuteur qui la menaçait de la mettre dehors si elle refusait de coucher avec lui. Cela arrivait à chaque fois que la femme du tuteur était en voyage pour son commerce. Marina le faisait malgré elle parce qu’elle avait peur de ce dernier. Mais une fois enceinte, elle savait que sa mère ne comprendrait pas le fait que sa fille soit tombée enceinte du mari de sa cousine. » Eliane affirme que c’est toute traumatisée que sa copine a eu recours à la « tige » vendu au marché pour faire passer la grossesse.
Une autre jeune fille a plutôt accompagné son amie se faire avorter dans un endroit qu’elle qualifie de douteux « …Ce jour-là sans le savoir j’avais accompagné mon amie se faire avorter ; pis, peut être que je l’accompagnais à l’abattoir. Cet endroit ne ressemblait pas à un hôpital. C’était un lieu d’habitation dans lequel des jeunes filles venaient se faire avorter ». Ces propos sont de Samira. Il y a trois ans, elle a accompagné son amie se faire avorter.
Que ce soit Samira ou Eliane, ces jeunes filles ont une chose en commun. Celui d’avoir partagé l’expérience d’une amie qui a pratiqué un avortement clandestin. L’une avec la méthode traditionnelle, l’autre avec une méthode dite moderne comportant un risque. C’est un avortement non sécurisé. Pourtant, ces jeunes filles voulaient simplement faire passer cette grossesse qu’elles ne désiraient pas.
Comme ces filles, elles sont nombreuses à faire passer leurs grossesses, ou à vouloir le faire. D’ailleurs l’étude sassor réalisée sur les avortements à Yamoussoukro explique que six filles sur dix ont déjà pratiqué un avortement. Certainement un avortement Clandestin. Aussi lors du rapport nationale de surveillance des décès maternels en 2016, Aka Aouéle ministre de la santé a affirmé que « plus de 47% des jeunes filles ont réalisé un avortement volontaire avant l’âge de 24 ans. La mortalité maternelle concerne 32% des filles de moins de 24 ans » a annoncé le ministre. Comment ces femmes réalisent-elles ces avortements ? Dans quelles conditions le font-elles
A lire aussi : Avortement, l’Ipas instruit les hommes de médias sur la situation en Côte d’Ivoire
La performance Monitoring Accountability (PMA) 2020 a révélé sur les méthodes d’avortement utilisées que 38, 2% des avortements se font par voie chirurgicale. Elle est suivie des méthodes traditionnelles non insérés estimé à 30,4%. Les médicaments comme Le mifepristone ou misoprosol représentent 4,1%. Pour les méthodes traditionnelles insérées, elles sont estimés à 11,1%.
L’avortement clandestin, des chiffres effrayants en Côte d’Ivoire
En 2015, les établissements publics de santé ont administré des soins après avortement à 29.400 femmes. Selon l’Ipas, L’organisation internationale uniquement axée sur l’élargissement de l’accès à l’avortement sécurisé et aux soins contraceptifs, c’est entre 37 et 51 avortements pour 1000 femmes. Dans la même veine, la cartographie des soins après avortement en Côte d’Ivoire interpelle. Elle montre des chiffres évocateurs dans les régions du centre-est et l’Ouest du pays ou vit 43% de la population. Les régions sanitaires du haut Sassandra, du Gboklê – Nawa – San Pedro, de l’Agneby – Tiassa –Me et d’Abidjan 2 ont réalisé chacune entre 1990 à 2539 soins après avortement. Celles d’Abidjan grand-pont, du Nzi–Iffou, du Poro, du Tchologo, et de la Bagoué ont réalisé elles entre 1668 et 1989 soins après avortement.
Toujours dans le cadre de la PMA, une enquête menée au niveau des communautés révèle 5.612 avortements provoqués ou volontaires par région sanitaire. Cependant le constat est autre lorsqu’on se réfère aux soins après avortement par région sanitaire. Ces données dévoilent 31.028 cas d’avortements provoqués soit 6 fois le nombre recueilli dans les communautés. L’étude démontre que plus de 50% de ces avortements sont pratiqués par des méthodes non adaptées. 40% se font par voies traditionnelles. Ce qui augmente les risques de décès. Et ce aussi bien dans le milieu rural qu’urbain.
Les conséquences des avortements clandestins ou non sécurisé
Il est toutefois important de noter que ces avortements pratiqués dans des conditions qui ne respectent pas les règles peuvent avoir des conséquences graves sur la vie de ces femmes.
Selon Jean-Charles Wognin, maïeuticien et échographiste l’avortement qu’il soit médicamenteux, c’est-à-dire lorsque la patiente prend des cachets pour expulser le fœtus ; ou encore par voix chirurgicale, lorsqu’il n’est pas réalisé selon les recommandations médicales a des graves conséquences. Il précise que dans les deux cas, la patiente a un contrôle 21 jours après l’avortement. Ce contrôle permet de s’assurer que l’utérus est vide. C’est également le moment de lui donner une méthode de contraception. Comme conséquences il mentionne l’avortement hémorragique. « C’est lorsque la femme saigne, dès 500 millilitres de sang après l’avortement. Cet état peut entrainer un choc hémorragique qui peut provoquer une défaillance dans tout le corps. Cela peut entrainer la mort. Il y a également un risque d’infection au niveau de l’utérus ou l’appareil génital qui peut être lié aux méthodes utilisées notamment les conditions d’hygiène. Cela peut causer la septicémie, un choc septique. Il y a aussi le fait que, s’il y a des restes embryonnaires, cela peut causer une anémie ou affection. L’avortement mal réalisé peu également avoir des effets néfastes sur la fertilité mais aussi le devenir des autres grossesses. »
Protocole de Maputo une solution pour réduire les avortements non sécurisés
Des mesures idoines doivent être prises pour réduire à zéro le nombre de décès pendant les avortements. La déclaration universelle des droits de l’homme stipule en son article 3 que « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne”. Ce qui donne le droit à chaque être humain de disposer de son corps comme il le désire. Ce qui devrait donner le droit aux femmes de décider si oui ou non elles désireraient garder une grossesse.
Mieux la Côte d’Ivoire a ratifié le protocole de Maputo qui jusque-là n’est pas encore domestiqué. Il stipule en son article 14.C « Protéger les droits reproductifs des femmes, particulièrement en autorisant l’avortement médicalisé, en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère ou du fœtus »
« La Côte d’Ivoire a ratifié le protocole de Maputo depuis 2012. Jusque-là, elle n’a pas encore harmonisé ses textes en internes avec le protocole de Maputo…. » a affirmé Adou Honorine présidente de la commission santé de la reproduction et lutte contre les violences basées sur le genre. Membre de l’association des femmes juristes de Côte d’Ivoire, la spécialiste du droit affirme que « L’avortement n’était autorisé en Côte d’Ivoire que lorsque la vie de la maman était gravement menacée. Mais aujourd’hui la Côte d’Ivoire prend en compte le cas de grossesse issue de viol. C’est une avancée mais nous disons qu’il y a encore à faire », précise Adou Honorine. Elle fait ainsi allusion aux cas d’incestes et de malformation de fœtus, de la santé mentale et physique qui n’ont pas encore été pris en compte en Côte d’Ivoire pour l’avortement. « Nous sommes en droit et tout doit être écrit noir sur blanc. Il faut aussi que l’Etat puisse rassurer la population en inscrivant dans son code pénal des lois pour dire qu’en cas d’inceste la personne qui voudrait avorter puisse avoir l’autorisation par une loi pour le faire. » Insiste-elle.
Comme elle, plusieurs autres associations militent pour les droits en santé sexuelle et reproductive (Dssr). Ce sont des associations de la société civile regroupées au sein de la coalition Action contre les grossesses non désirées et à risque (AGnDR). Il y a également le projet RESOnance financé par pathfinder international. Elles œuvrent toutes, pour un plaidoyer afin que le protocole de Maputo soit domestiqué en Côte d’Ivoire. Clara Kouassi chef de projet RESOnance explique que leur rôle est de « créer une coalition nationale de défense du droit à l’avortement sécurisé en Côte d’Ivoire ». Pour Sheila Saouidi chargé de communication à Pathfinder international une communication efficace sur le protocole de Maputo lèvera « la stigmatisation qui emmène les femmes à faire des avortements clandestins »
Toutes ces organisations sont unanimes sur le fait qu’elles n’ont pas l’ambition de libéraliser l’avortement. Leur combat a plutôt pour objectif la mise en application du protocole de Maputo pour le grand bonheur des femmes ivoiriennes. Etat de Côte d’Ivoire appliquons le protocole de Maputo.
Raissa Yao
Leave a Comment
Your email address will not be published. Required fields are marked with *